Du nouveau du côté des perturbateurs endocriniens

 Article à jour au 20 novembre 2023

Il est toujours difficile d’évaluer les dangers liés aux substances, le lien de causalité entre des effets et des substances étant difficile à prouver. Et comme le principe de précaution n’est pas appliqué, il s’écoule de longues, très longues périodes entre la découverte d’effets néfastes sur l’environnement et/ou la santé humaine et la mise au jour de la causalité avec une ou des substances qui débouche sur l’interdiction de la substance ou du moins une limitation de son utilisation. 

Les perturbateurs endocriniens n’échappent pas à ce mécanisme, d’autant que leur effets peuvent apparaitre sur la génération suivante de celle qui a été exposée. 

A l’occasion de l’entrée dans le CLP des perturbateurs endocriniens (PE) avec le règlement 2023/707, on fait le point sur les perturbateurs endocriniens. 

PERTURBATEURS ENDOCRINIENS, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Définition

Le rapport de l’OMS de 2002 « Global assessment on the state of the science of endocrine disruptors”  a apporté la définition suivante : Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange exogène qui altère la ou les fonctions du système endocrinien et dont il résulte des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact, ou sa descendance, ou ses sous-populations.

Le mécanisme et ses effets

Le rapport explique les mécanismes de la perturbation endocrinienne sur les organismes, humains et animaux, et décrit les effets néfastes sur ces organismes.

Il demande la poursuite des recherches pour identifier ces substances provoquant les effets décrits.

Une mise à jour des connaissances est effectuée en 2012 et les effets néfastes sont listés :

Fonctions reproductives / endocrinesSystème cardio-pulmonaire
Cancer du sein / de la prostate
Endométriose
Infécondité
Diabète / syndrome métabolique
Puberté précoce
Obésité
Asthme
Maladies cadiaques / hypertension
Accidents vasculaires cérébraux
Fonctions immunitaires/ auto-immunitairesSystème cérébral/nerveux
Sensibilité aux infections
Maladies auto-immunes
Maladie d'Alzheimer
Maladie de Parkinson
TDAH /difficultés d'apprentissage

Présence et usage des PE

Ils ont des usages multiples : certains sont uniquement employés lors des processus industriels, d’autres sont présents dans des produits de consommation courante, des produits phytopharmaceutiques, des biocides ou des médicaments.

LES PE DANS REACH

Il n’y a pas de définition des PE dans REACH. Les exigences en matière d’évaluation des substances par rapport à ce critère sont assez succinctes. 

Ils peuvent toutefois être proposés à l’inscription à la liste de l’article 59 menant à l’inscription à l’annexe XIV. 

REACH renvoie sur les évaluations effectuées dans le cadre des règlements biocides et phytopharmaceutiques. Ainsi, pour l’évaluation des produits biocides, le règlement 2017/2100 et, pour les produits phytopharmaceutiques, le règlement 2018/605, définissent des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien. Et, dans ce cadre également, les substances actives sont évaluées. 

La mention du caractère perturbateur endocrinien doit figurer dans la FDS du produit, aux rubriques suivantes et dans les conditions et modalités précisées : 

  • rubrique 2 : identification des dangers / autres dangers, si la substance a été identifiée PE dans le cadre des règlements biocides et/ou pharmaceutiques. 
  • rubrique 3 : mélange, uniquement si la substance figure à la liste de demande d’inscription à l’annexe XIV et à condition que la concentration d’une substance donnée soit égale ou supérieure à 0,1 %, les substances répondant à l’un des critères suivants: 
  • rubriques 11 et 12 : informations toxicologiques et informations écologiques :  Des informations relatives aux effets néfastes sur la santé / sur l’environnement causés par les propriétés perturbant le système endocrinien doivent être fournies, lorsqu’elles sont disponibles, pour les substances identifiées comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien dans la sous-rubrique 2.3. Ces informations prendront la forme de résumés succincts des informations découlant de l’application des critères d’évaluation énoncés dans les règlements correspondants [(CE) no 1907/2006, (UE) 2017/2100 et (UE) 2018/605] qui sont pertinentes pour l’évaluation des effets de la perturbation du système endocrinien pour la santé humaine. 

LES LISTES DES SUBSTANCES SUSPECTÉES DE PROPRIÉTÉS DE PERTURBATEURS ENDOCRINIENS ET LES SUBSTANCES EVALUÉES

Les substances relevant de l’annexe XIV de REACH

L’annexe XIV comprend actuellement 7 substances identifiées comme PE, dont les phtalates. 

La liste candidate contient 15 entrées de PE.

La liste de l’ECHA des substances à évaluer

L’ECHA est chargée de suivre l’évaluation de 115 substances suspectées d’être des PE, 23 ont été évaluées PE pour l’environnement, 13 pour la santé humaine (certaines étant dans les deux catégories), 6 non PE, les autres sont en cours d’évaluation.


Database of Endocrine Disrupting Chemicals and their Toxicity profiles (DEDuCT)


La liste de l’initiative indienne DEDuCT agrège les données mondiales et contient 686 substances, mais elle n’inclut que les PE dangereux pour la santé humaine.

La liste de l’ANSES


En agrégeant les données mondiales, l’ANSES conclut que DEDuCT est le meilleur point de départ, elle y ajoute des substances listées par ailleurs et arrive à une liste de 906 substances suspectées PE . Parmi ces substances certaines font ou feront l’objet d’une évaluation dans le cadre d’une règlementation européenne, certaines ne sont pas commercialisées en Europe. Il reste 705 substances sur la liste de l’ANSES, dont 266 enregistrées dans REACH.


LA RÉGLEMENTATION FRANÇAISE

Information des consommateurs sur les produits générateurs de déchets

 Les nouvelles dispositions du code de l’environnement relatives à l’information des consommateurs sur les produits générateurs de déchets prévoient la mention de la présence d’une substance dangereuse présente en concentration supérieure à 0,1 % en pourcentage massique  dans le produit. 

Les substances concernées sont les substances inscrites sur la « liste candidate » (Voir plus haut), ainsi que des substances d’un niveau de préoccupation équivalent proposées par l‘ANSES et listées par l’Arrêté du 30 août 2023 relatif à l'identification des substances dangereuses dans les produits générateurs de déchets : Phtalate de diisooctyle (DIOP) (CAS :27554-26-3) et 1,3-benzènediol (résorcinol) (CAS : 108-46-3). Ces deux dernières substances sont des PE. 

Information des consommateurs sur la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits

La loi 2020-105 a introduit dans le Code de la santé publique une obligation d’information des consommateurs de la présence de substances dont l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qualifie les propriétés de perturbation endocrinienne d'avérées ou présumées.

Les listes des PE prévues par l’article R. 5232-19 du Code de la santé publique figurent à l’annexe de l’Arrêté du 28 septembre 2023 fixant la liste des substances présentant des propriétés de perturbation endocrinienne mentionnées aux I et II de l'article L. 5232-5 du code de la santé publique et les catégories de produits présentant un risque d'exposition particulier mentionnées au II de l'article L. 5232-5 du code de la santé publique publié au JO du 12 octobre 2023 complété de l’arrêté du 28 septembre 2023 précisant les modalités relatives au contenu et aux conditions de présentation des informations prévues aux I et II de l'article L. 5232-5 du code de la santé publique.

Dans les deux cas, l’application scan4chem permet d’accéder à l’information.

INTÉGRATION DANS LE CLP


Le règlement 2023/707 introduit dans le CLP de nouveaux dangers et notamment la perturbation endocrinienne.
Il reprend la définition de l’OMS, il précise les critères de classement, il détermine l’étiquetage, les mentions de danger et les conseils de prudence.
Les substances sont classées :

  • en catégorie 1 : Perturbateurs endocriniens connus ou présumés pour la santé humaine et/ ou pour l’environnement
  • en catégorie 2 : Perturbateurs endocriniens suspectés pour la santé humaine et/ou pour l’environnement.


Les mélanges sont classés en tant que perturbateur endocrinien pour la santé humaine et/ou pour l’environnement lorsqu’au moins un composant est classé en tant que perturbateur endocrinien de la catégorie 1 ou de la catégorie 2 et est présent à plus de 0,1 % dans le mélange.

Ils sont étiquetés de la façon suivante :

Le symbole n’est pas déterminé. 

Les substances doivent être classées et étiquetées à partir du 1° mai 2025 et les mélanges à partir du 1° mai 2026, que ce soit pour les effets sur la santé humaine ou sur l’environnement. 


On est encore loin d’une information complète et précise des consommateurs sur la dangerosité des produits qu’ils consomment, mais ne faut-il pas toujours célébrer les avancées, aussi minimes soient-elles ? 

En tout état de cause, il faut intégrer la dimension de la perturbation endocrinienne dans l’évaluation des risques chimiques dans le document unique et envisager la substitution, tant pour la protection des travailleurs que la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs.


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